A Bonne-Maman

Elle avait grandi à Guéret et rencontré pendant un mariage celui qui devait devenir l'homme de sa vie. En quelques semaines elle avait décidé de l'épouser et de le suivre au Mali où il devait partir travailler. Elle y avait eu son premier enfant, un garçon. Ce bébé, elle l'a enterré à Tombouctou. Elle a ensuite mis au monde deux filles, ma tante puis ma mère, à  18 mois d'intervalle, mais craignant pour leur vie après sa première expérience de la maternité, elle a décidé de les confier quelques années à sa belle-mère et est repartie rejoindre son mari en Afrique. Ce choix, douloureux j'en suis sure, n'a pas toujours été compris, mais c'est celui qu'elle a fait et je ne peux que le respecter.

C'est ensuite à Alger que la vie les a menés, avec leurs filles désormais. Elle gardait de cette ville un souvenir heureux. Mais la guerre est arrivée et elle a dû rentrer, abandonnant la maison qu'ils avaient fait construire et toutes leurs affaires à l'intérieur.

Pendant ses années à Paris, elle a affronté la maladie. Deux cancers du sein, à 30-35 ans, et  toujours deux petites filles à élever. De cette bataille-là elle est sortie victorieuse, par deux fois.

Puis ce fût le départ vers Thaiti, des années de bonheur je crois, et des tas d'anecdotes exotiques qu'elle aimait raconter et qui me faisaient rêver.

De retour en France, sur "Le France", après un détour par les Etats-Unis, son époux et elle ont enfin pu réaliser leur rêve et bâtir leur maison, celle qui leur appartenait, celle qu'elle devait occuper jusqu'à la fin, et quelle ne voulait quitter pour rien au monde.

Elle a soutenu son mari pendant qu'il luttait contre la leucémie. Veuve à 50 ans, elle s'est occupée de ses petits-enfants, ceux qui étaient proches géographiquement chaque jour, et ceux un peu plus éloignés, pendant les vacances. J'en étais. J'aimais sa maison, j'aimais l'entendre me parler de ses années à l'étranger, j'aimais qu'elle me raconte ce grand-père que je n'avais pas connu, j'aimais feuilleter avec elle les innombrables albums photos, j'aimais les grandes tablées à Noël, les retrouvailles avec les cousins dans le studio tout la-haut, et le tas d'histoires que l'on s'inventait pendant qu'en bas les grands discutaient et riaient. J'aimais avec elle grimper jusqu'à la cathédrale de Chartres, puisque c'est là qu'elle habitait.

Depuis quelques années, elle se déplaçait à l'aide d'un fauteuil roulant, ses os trop fragiles se brisant spontanément. Depuis plusieurs mois déjà, elle souffrait et demandait à s'en aller. Sa vie avait été bien remplie, elle en avait assez. Assez de la dépendance, assez d'être si diminuée.

Je crois que la paix elle l'a enfin trouvée et j'ose espérer qu'elle est auprès de son époux et de son fils si tôt décédés.

C'était ma Bonne-Maman, je l'aimais, et elle va me manquer...infiniment.

Comments

[Cécile]

Oh, comme je comprends.... Quelle personnalité cette Bonne-Maman ! Que de souvenirs précieux vous avez d'elle, tant mieux...

J'espère que la douleurs est moins vive à présent. Votre billet est très émouvant. Je vous souhaite la sérénité en pensant à elle.

[ileana]

Claire, je vous présente toutes mes condoléances pour la perte de vote Bonne-Maman. Heureuse est-elle d'avoir laissé de si jolis souvenirs à ses petits-enfants !

Mais le voulais surtout réagir sur votre article sur la pitié, que je viens seulement de lire. Je peux au moins vous dire ce qu'il en est pour moi : je viens de temps en temps lire votre blog, non pas par pitié, mais plutôt par admiration et amitié : je trouve ça formidable que vous puissiez rendre vos trois enfants heureux, Simon comme ses soeurs ! C'est ça qui transpire de votre blog : un bonheur familial simple en dépit d'une épreuve difficile à vivre pour vous et pour Simon.



Amicalement

ileana

[seia]

je viens souvent mais je n''écris rien ou il y a très longtemps... mais là moi qui n'est pas connu mes grands parents j'avoue que j'étais très émue de ton billet, tu vois tu as des choses à dire, merci!

[Koalisa]

Toutes mes condoléances, c'est un bel hommage que tu lui rends... Bisous!

[Yokoflo]

Tout pareil avec des souvenirs parfois un peu différents mais qui resteront dans mon cœur !